FRÉQUENSTADE

 


Denis Arnaud, apôtre de l'effort

20 septembre 2004


Ses valeurs : "l'honnêteté, la solidarité, le travail".


Son évolution, ses attentes, son club, ses partenaires, ses performances, son avenir... Le capitaine rémois Denis Arnaud a accepté de se raconter. Un entretien à coeur ouvert dans lequel il dit tout sauf une chose : des joueurs rémois, il est celui qui supporte le plus mal la défaite. Il suffit d'avoir croisé son regard dans les vestiaires après un revers pour comprendre quelle importance il accorde à son club, à son maillot. Denis Arnaud, c'est le patron, celui qui montre la voie à suivre, qui dynamise, qui réconforte... Ainsi que le souligne Jean-Pierre Caillot, "c'est un maître !".



SON ARRIVÉE A REIMS

 

Qu'est ce qui vous a amené à Reims ?
C'est Olivier Létang. On a fait notre premier match pro ensemble au Mans. C'est un grand ami. On s'appelait régulièrement au téléphone. Il m'a dit, "On cherche un défenseur central, est-ce que cela t'intéresse ?". Je lui ai dit que j'allais réfléchir car Le Mans accédait L1 et j'avais envie de relever ce challenge. Jouer à ce niveau, c'est le but de tout joueur pro. Mais l'entraîneur m'a dit qu'il ne voulait pas me faire jouer.

Comme j'avais aussi envie de changer d'air, de me remettre en cause et qu'Olivier me parlait tout le temps des supporters du Stade de Reims, cela m'a donné envie. Je suis allé à son mariage et j'ai rencontré Jean-Pierre Caillot. Il y a eu un bon feeling. Cela s'est bien passé. On s'est revu et j'ai senti des gens qui avaient un projet vraiment ambitieux et qu'ils se donnaient les moyens de remonter aussitôt. Ils ont su trouver les mots justes. Et je n'ai pas été déçu.

 

Olivier Létang, l'ambassadeur.


Quelle image aviez vous du club ?
Je n'avais pas d'idée préconçue et n'avais pas de souvenir particulier hormis le match que nous y avions joué avec le Mans (1-2) et où j'avais été impressionné par le public. J'ai d'ailleurs rarement vu dans un stade de Ligue 2 l'ambiance qu'il y a ici malgré les travaux.

 

 

Un gosse du Médoc
J'ai débuté au SJ MACAU, un village située à 25 km de Bordeaux. J'y ai joué jusqu'en minime première année. Comme l'entraîneur qui s'occupait de moi depuis tout petit a arrêté alors que j'étais très lié à lui, je suis allé faire un essai aux Girondins de Bordeaux qui a fonctionné. J'y suis resté 10 ans, en formation. J'ai joué 5 ans en troisième division et comme il ne me proposait pas de contrat et que je sentais que je stagnais j'ai tenté ma chance pour ne pas avoir de regret. J'ai envoyé des CV un peu partout. J'ai effectué un essai au Mans et j'y suis resté 8 ans. C'est aujourd'hui ma deuxième année à Reims et il me reste un an de contrat..

 

LA SAISON EN NATIONAL


Comment s'est déroulée la saison dernière ?
On avait l'obligation de remonter. C'était difficile, mais le groupe avait une volonté commune, et tout le monde a tiré dans le même sens. Les joueurs, les dirigeants, le staff technique et médical. Tout le monde avait le même projet. Les victoires du début de saison ont lancé la dynamique, même si on avait senti dès le stage d'avant saison que cela se goupillait bien.

 

A Beauvais, avec Fabrice Harvey

 

Les meilleurs moments ?
Le premier match. Porter le maillot du Stade de Reims qui plus est un nouveau maillot entraîne une pression. On avait l'obligation de réussir. Je me suis beaucoup investi dans la vie du groupe pour que l'amalgame se fasse le plus vite possible entre les anciens et nous qui arrivions. C'est très important d'avoir un groupe solidaire. Ce premier match on est entré sur le terrain et c'était phénoménal. Il fut difficile mais on était déterminé et on a gagné. Cela a lancé la saison. On a senti que les joueurs mouillaient le maillot.

 


Et la montée. A Beauvais c'était génial car spontané. C'était énorme. C'était la réalisation d'une année mentalement épuisante. On se rend pas compte de l'investissement qu'il nécessite. J'étais vidé. Tout ce qu'on avait donné de nos personnes… A Beauvais, je me suis dit : ça y est, on a réussi…

 


Le plus important à mes yeux était que le coach m'avait permis de véhiculer mes valeurs. L'honnêteté, la solidarité, le travail. Au Mans les gens en place n'avaient pas forcément ces valeurs, même si on avait réussi de bons résultats. Mais, j'étais persuadé au fond de moi que l'on pouvait réussir avec moins d'individualisme et donc en donnant plus aux autres. Pour moi, c'était un bonheur de réussir avec ces valeurs qui se perdent un peu dans la société et dans le foot. C'est aussi les valeurs du staff. Reims est un club familial. C'est beau.


.. et les pires moments ?
Le mois de janvier. Physiquement et mentalement il a fallu puiser au fond de nous-mêmes. Aller chercher des nouvelles ressources pour atteindre l'objectif que nous nous étions fixé.


Comment les avez vous vécus ?
Nous avons beaucoup discuté. Il était important que chacun s'exprime et libère ce qu'il avait en lui.
Il n'y avait pas de problèmes dans le groupe, juste il nous fallait nous exprimer sur le jeu de l'équipe. Ce n'est pas comme au PSG aujourd'hui. On a fait du Bowling, du Karting, on a fait des choses ensemble pour se libérer de cette pression afin de mieux repartir. C'était difficile car on avait l'obligation d'être premier. On était attendu partout. Ce fut des matchs durs… Ces palliatifs nous ont fait du bien pour continuer à avoir un groupe solidaire.


Jean-Pierre Caillot a dit que vous étiez un maître dans ces moments difficiles. Comment ressentez-vous ce genre de compliment ?
Cela m'a touché. Emu. C'est difficile de s'exprimer par rapport à cela. On m'a pris ici pour être un leader - je ne suis pas le seul - et amener mes qualités d'homme. C'est dans ces moments là qu'on doit être présent, que l'on montre son caractère. Le club compte sur nous. On est là aussi pour cela.

 

Nous devons rendre la confiance qu'ils ont en nous. En tant que capitaine, la confiance du coach ou du président et des joueurs ne me donne pas de droit, juste des devoirs. Je cherche tous les jours ce qu'il faut faire pour que le groupe vive mieux, pour que chaque joueur se sente le mieux possible.

Je pars du principe que tous les joueurs sont importants. Il y a les 11 bien sûr, mais le jour où un joueur qui joue peu rentre, il faut qu'il soit à 100%. Pour cela il faut qu'on l'aide toute l'année. Même s'il ne fait que 5 matchs dans la saison. A la fin, cela nous permet de gagner.

J'ai une vue de la vie qui se perd un peu mais… j'y crois ! Il faut croire en ces valeurs. La preuve nous avons réussi.

 

 

 

LE RETOUR EN LIGUE 2

 

Comment s'est passée l'intégration des nouveaux joueurs ?
Il n'y a pas eu besoin d'intégration. Les nouveaux ont senti de suite que le noyau était fort et qu'il véhiculait des valeurs. Ils sont entrés dedans aussitôt. Cela s'est fait naturellement. C'est comme si on était ensemble depuis longtemps. Ils se sont aussi rendu compte qu'ici il y avait un engouement populaire, ce qui n'est pas le cas ailleurs, 2 ou 3 clubs mis à part. Cela n'assure pas de gagner tous les matchs, mais au moins quand on sera en difficulté on sait que le groupe ne va pas exploser.


Comment voyez vous le groupe ?
Ce qui caractérise ce groupe, c'est qu'il est très humain. Evidemment Il y a de la qualité. On en est conscient. Il le faut car le niveau actuel de la L2 est important. La ligne entre la montée et la descente est très fragile. On est sur un fil tendu. En 2 ou 3 ans, un gros palier a été franchi dans cette division que je connais bien. Au niveau des joueurs, du rythme, on était obligé de se renforcer.
Quantitativement on a encore besoin de 1 ou 2 joueurs pour peaufiner le groupe. Mais bon il ne faut pas faire n'importe quoi et c'est difficile de les trouver car il ne faut pas perdre notre état d'esprit.


Vous sentez vous relayé sur le terrain par certains nouveaux ? Qui ?
Christophe Delmotte. Il apporte son expérience. Samuel Boutal participe aussi. J'ai besoin de ces relais car je ne peux pas être tout seul à parler. On est un peu " les gueulards " de l'équipe, mais il faut que chacun s'investisse un petit peu plus pour apporter au groupe. C'est important.


Comment jugez-vous le début de championnat ?
Je ne suis pas surpris par les résultats. Déjà on s'aperçoit que les trois promus sont en haut, ce qui prouve que le championnat National est de qualité. On a beaucoup travaillé pendant la préparation. On s'est arraché pour ne pas louper le début de la compétition. Mais il faut garder la flamme allumée pour ne pas être vite remis au parfum. On sait que dès que nous lâchons un peu de terrain, au Havre, à Brest… Là on ne peut pas être satisfait.
A Brest, on a fait une bonne première mi-temps, on a respecté le plan de jeu, on a été solidaire, mais on pas su tenir 90 minutes. En deuxième mi-temps on a été trop joueurs et quand on est pro, à l'extérieur, c'est d'abord les points qui nous intéressent. Le plaisir, on le trouve dans la victoire quand on est compétiteur. La confiance vient avec les points. Il ne faut pas se tromper de mécanisme, les points d'abord puis le plaisir de jouer. Chaque point est important et il nous faut conserver la tactique de jeu proposée et respecter les consignes.
Au Havre nous sommes passés à coté du match. Cela arrive quelques fois dans la saison. Ils étaient meilleurs que nous dans tous les domaines… mais c'est ponctuel, c'est sur un match. Il ne faut pas s'éterniser sur ce type de match. Quand toute l'équipe passe à coté, il n'y a rien à faire.

Contre Sedan, on a fait un bon match et on est passé tout près de la victoire. Ce match nous a rassuré. Il ne fallait pas que le doute s'installe. Et quel engouement !


Pensez vous atteindre l'objectif initial "facilement" ?

Pour le maintien, il faut continuer à jouer en équipe comme contre Sedan et dans ce cas nous atteindrons l'objectif initial le Maintien qui est vital pour pérenniser le club et obtenir un centre de formation obligatoire pour le maintien du club dans le football professionnel. Pour l'instant on peut tout jouer. On sait que si on a des résultats, on va vivre des émotions que l'on ne vivrait pas ailleurs.


Quelle est la différence avec le National ?
Il y a un gros palier notamment au niveau des attaquants et des milieux de terrain. En fait les attaquants sont plus expérimentés, plus intelligents et ils sont mieux servis. En national il y a de très bons attaquants mais ils sont moins bien servis. La moindre erreur se paie cash. On l'a déjà payé pas mal de fois depuis le début de saison alors qu'en national on peut les rattraper.

 

 

 

LA PAROLE A LA DÉFENSE


 

L'équipe prend beaucoup de buts. Quelles en sont, selon vous, les raisons ?
On a pris 10 buts dont 7 à l'extérieur. On est trop joueur à l'extérieur. A la maison les équipes viennent pour défendre. On l'a encore vu avec Sedan. Ils n'ont pas joué à part les 10 premières minutes. On a eu le même problème en national au début de la saison dernière. On travaille pour le gommer.

 

Comment jugez-vous vos prestations personnelles ?
Je pense que j'ai fait une très bonne saison l'an dernier. Cette année j'ai eu un peu de mal à encaisser la préparation qui a été très difficile. J'ai manqué un peu de jus mais il revient petit à petit. De plus je ne suis pas un joueur qui gère à l'entraînement, je le fais à fond. Parfois il faudrait que je le fasse mais ce n'est pas dans mon tempérament. Alors des fois c'est difficile mais je me dis que cela va payer.

Là, cela revient bien. Pour moi, gérer c'est tricher. Si je ne fais pas le mètre qu'il faut à l'entraînement je me dis que je ne le ferais pas en match. J'essaye de véhiculer cet état d'esprit aux autres. Si on fait les efforts à entraînement, on les fera en match. Il n'est donc pas question de se gérer même s'il y a un risque que cela joue sur un match. Mais, à la fin, je serai récompensé et l'équipe le sera aussi.

 

Vous avez raté certaines relances ces derniers matchs...
Oui j'essaie d'aller vite vers l'avant car à Delaune les équipes jouent derrière et il faut vite créer le décalage. Il faut devancer le repli défensif. Si on ne prend pas de risque, il ne se passe rien. Notre équipe veut jouer, surtout à la maison. J'assume mes quelques erreurs de relance mais c'est mon rôle de relancer. Il faut trouver les intervalles pour ensuite enchaîner. Si je ne prends pas de risques mesurés, je ne progresse pas. C'est comme dans la vie.

 

 

 

 

SON REGARD SUR LE CLUB


Pouvez vous nous parler de votre entraîneur ?
J'ai été agréablement surpris quand il est arrivé. Il a imposé ses méthodes, c'est quelqu'un de rigoureux. C'est surtout quelqu'un d'humain. C'est ce que j'ai aimé chez lui. Il communique beaucoup avec ses joueurs et vit les choses passionnément. Quand on a des gens comme cela on ne peut vivre que des choses intéressantes avec eux. Le dialogue est permanent. Il explique tout. Tout le monde va dans le même sens. C'est ce qui nous a permis de monter l'an dernier. C'est l'osmose totale. Le coach est le seul qui décide. C'est très important. Il a une ligne directrice et tout est clair. Je tiens à lui rendre hommage car c'est très difficile. On ne se rend pas compte de l'extérieur, on a tendance à juger rapidement, mais c'est très difficile de gérer un groupe et de faire des choix.

 


... des dirigeants ?
Jean-Pierre et Fabrice sont des passionnés ! Comme tous ceux de l'administratif que j'associe. On se rend compte quand on vit à l'intérieur que c'est une petite fourmilière. Beaucoup de gens bossent pour ce club, en sont fada et je leur rends aussi hommage. Les chances de réussir avec ces gens sont importantes.


... des infrastructures?
Heureusement aujourd'hui on est accueilli à Murigny. C'est déjà difficile de créer une vie de groupe, alors dans les conditions de l'année dernière… En hiver… Heureusement Dominique Langlois, sa petite femme et sa maman nous ont gentiment accueillis. On se sent bien là bas. Maintenant on peut rester ensemble, discuter, prendre le café, écouter de la musique. C'est très important, car on partage des choses et quand c'est nécessaire, le jour du match le copain va faire les deux mètres qu'il faut pour t'aider.

 

... des supporters ?
Quand on est joueur on rêve de cela. Au Mans ils sont spectateurs. Ici supporters. Qu'ils aient 10 ans ou 70 ans, ils sont supporters. Ils viennent pour encourager leur équipe. On sait que cette année, on aura des matchs difficiles où on ne sera pas bien mais on sait que les gens seront là pour nous soutenir. Il y a de la passion, de l'amour. Dans la vie pour que les gens vous aiment, il faut avoir beaucoup de sentiments. On a besoin d'eux. Je suis vraiment très fier d'avoir ce maillot là et d 'avoir des supporters comme cela. Du fond du cœur.

 



SON AVENIR


Sportivement, comment le voyez-vous ?
Il me reste une année de contrat. J'espère laisser le club au minimum en L2. Je sais qu'on est de passage, mais je veux pérenniser le club. J'ai déjà vécu deux montées en deux ans et j'espère bien en vivre une dernière. Beaucoup de joueurs sont superstitieux et disent jamais deux sans trois… On en revient à la même chose, je suis quelqu'un d'humain, le jour ou je devrais partir je veux laisser le club dans les meilleures conditions pour l'avenir. Je suis quelqu'un qui s'investit à 200% et je ne lâcherai rien. Le club a un gros potentiel d'évolution et j'y crois fortement.

 

Que ferez vous ensuite ?
J'ai en projet de reprendre un commerce avec mon épouse au Mans. Il nous tient à cœur. Nous allons travailler tous les deux, ensemble.
Je n'ai pas envie d'attendre que physiquement cela n'aille plus… qu'on me mette à la porte. C'est moi qui veux décider de l'arrêt. Arrêter sa carrière est souvent difficile pour un joueur. Car le rythme de vie n'est plus le même. Beaucoup ne savent pas ce qu'ils vont faire. Je passe des diplômes depuis l'an dernier. Je me donne le maximum d'ouverture pour réussir ma reconversion.
Ma famille, c'est très important, c'est mon équilibre, c'est ma vie. Si je ne l'ai pas, je ne fais pas ma carrière. C'est mon ciment. Ma femme a mis sa carrière professionnelle de côté depuis 10 ans. A un moment il faut que je lui renvoie l'ascenseur.
Peut-être prendrai-je aussi une équipe de jeune car j'ai des choses à partager avec eux. On se doit au niveau du foot de rendre ce que l'on nous a appris. Ce que j'ai vécu avec les gamins du stade l'an dernier, c'était super.
Ce sont mes deux projets. J'aimerais les associer.

 


Qu'est ce qui vous rend heureux ?
Ma famille. Voir mes enfants sourire, les emmener à l'école, leur faire des câlins. Voir mon épouse heureuse me rend heureux. Et partager des moments avec mes amis. J'ai besoin d'être en contact et de vivre des choses, de partager des choses… des plaisirs simples, une bouteille de bordeaux par exemple. Après le foot il y aura encore des amis, c'est très important, car la vie est longue.

 

 

 

Un petit mot pour les supporters
Qu'ils continuent à nous encourager et à faire des animations. Celle de Sedan m'a fait rigoler. Je n'avais vu que la flèche car on est concentré mais ma mère me l'a racontée juste après le match.
Tout ce qui est banderoles, animations du stade, c'est très important quand on rentre sur le terrain. On se dit qu'ils se mobilisent pour le club, pour nous. On se dit qu'on va tout donner.
Qu'ils continuent à respecter l'adversaire bien sûr mais aussi à leur mettre la pression. Qu'ils entretiennent sa peur de venir jouer à Delaune. Et qu'ils mettent la pression sur l'arbitre aussi (rires) !
Merci pour les moments que l'on partage ensemble.

 

 

 

 

Vu des Tribunes : l'actualité du Stade de Reims - Rédaction-conception : Michel HAMEL