Jeudi 27 février 2003

 

Une jurisprudence Gravelaine ?

Les recours déposés par les clubs depuis février ont tous été rejetés.

 

 

L'arrivée de Gravelaine à Istres, en dépit du règlement interdisant un double transfert dans la même saison, constitue-t-elle un précédent dangereux ? Est-elle de nature à fausser le championnat de Ligue 2 où les équipes de fin de tableau se livrent une lutte à couteaux tirés ? A Caen et dans d'autres clubs - tels que Gueugnon - on n'est pas loin de le penser. Sans doute faudra-t-il bientôt parler d'affaire Gravelaine.

 

Xavier Gravelaine a finalement obtenu une dérogation de la Fédération internationale. Depuis mercredi, il a le feu vert pour rejouer en France, et défendra donc les couleurs du FC Istres.

Gravelaine n'a pas eu besoin d'aller au bout de son combat. Avant d'engager un bras de fer devant les tribunaux civils, il a obtenu le feu vert de la FIFA. Celle-ci a fait une croix sur son propre règlement, lequel interdisait à un joueur d'être muté deux fois durant la même saison. L'instance internationale, afin de ne pas créer un arrêt Gravelaine comme il y eut un arrêt Bosman, s'est retranchée derrière les circonstances particulières propres à l'ancien Caennais : il n'a été sous contrat que dix jours (NDLR : avec Ajaccio), sans jouer, et bénéficie de son " âge avancé ".

 

Guy Chambily (Caen) : "La partie n'est pas finie"

A 34 ans, Gravelaine va donc enfiler un 15e maillot. Plus rien ne l'en empêche, même si Guy Chambily (NDLR : l'ancien président du stade Malherbe Caennais auquel appartenait Gravelaine) affirme que la partie " n'est pas finie ", et que plusieurs clubs vont réagir.

L'ancien n°10 de Malherbe est tout à sa joie : " Depuis mardi soir 22 h, depuis qu'un fax de la FIFA est arrivé chez mon avocat, je suis radieux ! Dès samedi, pour la réception de Créteil, je serai à la disposition de l'entraîneur. J'aurai le maillot n°32. J'aurais pu le porter à Malherbe. Cela aurait été le cas si M. Chambily n'avait pas affirmé à MM. Bérard et Remy, lequel m'avait même concocté un programme de remise en forme, qu'il était impossible d'avoir cette dérogation. Sans lui, je serais revenu, et je reviendrai d'ailleurs peut-être un jour, car Caen est le club de mon coeur. Aujourd'hui, selon moi, les vrais décideurs ne sont pas MM. Bérard et Fortin (NDLR : président délégué et président du directoire du SM Caen), mais M. Chambily.

Le principal intéressé, qui a passé la main cet été, réfute ces propos : " Quand le cas Gravelaine a été évoqué, je n'ai fait que donner mon avis et questionner la Ligue professionnelle, proteste celui qui en est un des administrateurs. Aujourd'hui, elle est dans une position délicate. Quatre ou cinq clubs, au moins, vont râler. Xavier a encore foutu la m... La Ligue a pour volonté d'assainir les pratiques du football, mettre un terme aux polémiques en fin de saison, c'est sans doute loupé. Mais quoi qu'il en soit, je reste persuadé que Malherbe a les moyens de se maintenir sans lui. "

 

Istres y croit

Côté istréen, on est persuadé que l'oiseau migrateur annonce le printemps et le maintien. "Il faudra patienter un peu pour retrouver du bon Xavier, clame un Gravelaine qui se disait mardi en pleine forme. Je ne vais pas fausser le championnat ! " Istres bénéficiera toutefois pour ses 15 derniers matches d'un homme pesant l'an passé 15 buts et autant de passes décisives.

Un atout peut-être décisif dans la lutte pour le maintien. Seizièmes de L2, les hommes de Meguellatti affronteront plusieurs de leurs concurrents directs : Laval (13e), Reims (17e), Gueugnon (19e) sans oublier... Caen, le 22 mars. " Ce ne sera pas Gravelaine contre Chambily, affirme le joueur. Si je bats Malherbe ? Je serai content pour mon club. Et j'espère que mes copains de Caen auront pris assez de points avant pour se sauver. "Il y a des enceintes qui respirent la L1. Celle du Stade Malherbe est incontestablement de celles-ci. Un superbe stade (impressionnant mais terriblement agréable à jouer) théâtre de la rencontre entre la meilleure attaque à domicile (10 buts en 5 matches) et la meilleure défense à l'extérieur (deux buts en quatre parties) !


 

Gueugnon mène la révolte

 

Guy Chambily n'a sans doute pas tort d'affirmer que " la partie n'est pas finie. " Certains clubs contestent déjà la qualification de l'ancien Caennais. En début de semaine, Guy Chambily a même avancé le spectre d'une " grève des clubs " si Gravelaine pouvait rejoindre Istres.


Placé devant le fait accompli, le président du comité de surveillance du SM Caen, par ailleurs administrateur de la Ligue professionnelle, en veut à ses confrères qui ne " respectent pas le règlement. " " Caen a voulu rester net par rapport à cela, clame-t-il. La Ligue veut assainir les moeurs du football professionnel, d'autres les bafouent. "
Mercredi, M. Chambily avouait " tout entendre et son contraire ", de la part de certaines formations. Grève, boycott d'Istres... Un club a d'ores et déjà agi. Le FC Gueugnon, actuel 19e à deux longueurs d'Istres, s'est fendu d'un courrier à la FIFA et à la LFP. " Nous contestons cette dérogation, clame Georges Bernard, le manager général bressan. Elle fausse le championnat à 15 journées de la fin, en permettant à un club de prendre un élément en infraction avec le règlement. Nous poserons des réserves si Gravelaine joue contre nous, nous irons plus loin si nécessaire. "

Jegouzo : " C'est Istres qui a été lésé "

La colère gueugnonnaise est d'autant plus grande que le FCG avait été débouté voilà quelques semaines, dans un cas de figure similaire. " Nous souhaitions enrôler un joueur tunisien lorsque nous avons appris qu'il avait déjà été transféré une fois lors des douze derniers mois. Nous avons sollicité un avis de la Ligue, laquelle nous a confirmé qu'il ne serait pas possible de l'engager. Nous avons donc laissé tomber. " Si le classement devait rester figé en fin de saison, et en conséquence Istres se sauver alors que Gueugnon descendrait, il y a fort à parier que le vainqueur de la coupe de la Ligue 2000 tenterait de faire valoir son préjudice devant diverses instances (Comité national olympique et sportif, tribunaux civils...) afin d'obtenir pourquoi pas un repêchage...

Côté lavallois, autre mal classé, on préfère attendre : " Je ne vois pas comment nous pourrions aller contre cette dérogation, note le président Alain Desgages. Il est vrai, en revanche, que le fait qu'un garçon soit qualifié fin février fausse le championnat. Tant mieux pour ceux qui ont joué Istres sans Xavier Gravelaine. " Ce n'est pas le cas des Mayennais, c'est celui des Lorientais. Le président André Jégouzou ne s'estime " pas concerné ", et développe un argument repris par Gravelaine : " C'est Istres qui en fait a été lésé dans cette affaire, indique le Morbihannais. Ce club aurait dû pouvoir engager Gravelaine dès janvier. "

 


"Vu des Tribunes" : l'actu du Stade - Rédaction-conception : Michel HAMEL